Le sanctuaire mariale Notre-Dame de Pitié à Saint-Genest-Lerpt
Les Sanctuaires et lieux de retraite du diocèse de Saint-Étienne
Le pèlerinage à Notre Dame de Pitié à Saint-Genest-Lerpt se déroule chaque année début septembre. Il s’agit d’une semaine de prière ponctuée par des messes quotidiennes, des chapelets, un chemin de croix et des moments forts comme la journée des malades et des personnes âgées avec les Petites Soeurs des Pauvres et l’Hospitalité. De nos jours, une association “ les Amis du Pèlerinage ” perpétuent la tradition.
La chapelle de Notre-Dame de Pitié est dotée de merveilles ; la statue de la Vierge du XVème siècle, un gisant et des fresques murales byzantines de l'artiste Nicolaï Greschny.
La dévotion à Notre-Dame de Pitié est très ancienne. Avant même la construction de la chapelle qui lui est dédiée, plusieurs chapelles de l’ancienne église paroissiale lui étaient déjà consacrées. La chapelle fut construite en 1753 à la suite d’une épidémie meurtrière. Après 1815, pour raviver la foi catholique, l’Eglise multiplia les missions et les processions, surtout à partir de 1891, prirent une grande importance. Tous les ans, le 14 septembre, fête de l’exaltation à la Sainte Croix, une foule suivait la procession. On venait, en grande cérémonie, chercher dans la chapelle, la statue de la Sainte Vierge, parée pour l’occasion de vêtements éclatants et de bijoux.
Les pèlerins affluaient des communes voisines pendant toute la neuvaine. Au début du XXe siècle, jusqu’à 30 000 personnes se déplaçaient à Saint-Genest-Lerpt pour cette célébration. Les tramways à vapeur en service à cette époque voyaient leur capacité doubler pendant la durée du pèlerinage. Le 9 mars 1906, en raison de frictions entre les cléricaux et le maire radical de Saint-Genest, toutes les processions sont interrompues. Elles ont lieu à Roche la Molière, qui dépend alors de la paroisse de Saint-Genest-Lerpt. Il fallut attendre le 30 mai 1920 pour que les processions soient à nouveau autorisées, à la demande des fidèles et des commerçants.
De nos jours, une association “ les Amis du Pèlerinage ” perpétuent la tradition.
La petite chapelle de Notre-Dame de Pitié abrite des merveilles, la statue de la Vierge, vénérée lors du pèlerinage annuel, mais également une série de fresques murales peintes dans le style iconographique russe et un gisant du Christ. Partons à sa découverte…
Visite guidée
« Profitant de la pause estivale, et dans la perspective du pèlerinage annuel qui débute chaque année le 14 septembre, je décide de faire un reportage à Saint-Genest-Lerpt afin de découvrir la chapelle Notre-Dame de Pitié. Ne connaissant pas du tout la ville, je me laisse guider par le clocher de la belle église de style romano-byzantin pour trouver la chapelle qui se situe sur le côté. Je suis accueillie avec gentillesse par Monique Fumi, “la gardienne” des lieux”. Elle me montre du doigt la chapelle, et j’avoue que je suis un peu surprise. Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais, au regard du pèlerinage important qui se déroule ici chaque année, je l’imaginais… plus grande. Je la contemple tout en écoutant Monique Fumi relater l’histoire de la Belle Dame en blanc qui est apparue à une petite bergère dans les années 1630, alors que la région est décimée par la peste- et qui est à l’origine du pèlerinage de Notre-Dame de Pitié. Je prends quelques notes puis deux ou trois photos avant d’en franchir enfin le seuil. Et là, ma surprise est à son comble. Je ne vois plus la petitesse du lieu mais seulement sa beauté. Je suis stupéfaite par les peintures murales et par le style – sans doute parce que j’ai une prédilection pour les icônes russes. Mes yeux se portent rapidement vers la statue de Notre-Dame de Pitié mais reviennent, comme aimantés, vers ces peintures murales. Je m’approche et je les contemple avec émerveillement, prenant le temps de lire les citations et d’analyser les interprétations qu’à fait l’artiste russe Nicolaï Greschny des récits bibliques : d’un côté Eve, pleurant la mort de son fils Abel, couché à ses pieds et de l’autre, les lamentations de Rachel devant ses enfants. Deux femmes de la Bible qui ont vécu la désespérance de la Vierge Marie quand elle assiste à la mort de son Fils sur la croix. Je poursuis ma découverte des fresques, découvrant la crèche et ce petit enfant qui naît pour “que les péchés du monde soient pardonnés” ; sa présentation au temple en présence de Siméon qui voit en lui “la lumière du monde” ; son dernier repas… La représentation de la Cène n’est pas habituelle. Le Christ n’est pas au centre avec ses disciples, mais sur le côté tandis que ses amis le contemplent, la tête penchée dans sa direction. Judas est là également, la bourse à la main, un petit diable à ses côtés pour rappeler son infamie. En levant les yeux au plafond, je découvre les quatre évangélistes autour du Christ victorieux et en baissant la tête, Tobie, dont on raconte qu’il s’est mis en route en compagnie de son chien. Pour la petite histoire, l’artiste s’est inspiré du petit chien blanc du curé de l’époque – le père Albert Montagny – à l’origine de la commande des fresques et qui s’appelait aussi Toby !
Monique Fumi me raconte l’histoire de ces fresques, les deux séjours à Saint-Genest-Lerpt de l’artiste russe accompagné de son épouse, puis poursuit ses explications avec passion. Je ne cesse de m’émerveiller et je suis saisie d’une sérénité qui m’étonne. Ce lieu apporte la paix et invite à la prière. Devant le gisant du Christ – dans un sépulcre sous l’autel – mon cœur se serre ; il est d’une beauté saisissante et d’un réalisme poignant. On voit les muscles finement sculptés, le visage parfait. Il semble dormir. Serein. Apaisé. Sa main ouverte me rappelle le don qu’il a fait de sa vie. Pour nous, pauvres pécheurs.
Enfin, je me rends devant la statue du XVIIIème siècle de Notre-Dame de Pitié qui est placée dans une mandorle peinte. Elle est cernée par les archanges Gabriel, Raphaël et Michel. Je me souviens l’avoir souvent vue en photo parée d’or et de bijoux cousus sur le grand manteau qu’elle revêt lors des processions mariales. Là, devant moi, dépouillée de son habit de fête, sa sobriété n’en est que plus poignante. Habituée à la très grande beauté de la Vierge – comme le savent si bien peindre ou sculpter les artistes – je m’étonne de son visage banal, si ce n’est ingrat. Il n’y a nulle expression sur son visage, elle est impassible. Dans un sens, je suis heurtée. Ne tient-elle pas sur ses genoux, son fils, descendu de la Croix ? Sa douleur devrait meurtrir son visage, déformée ses traits ? J’essaye de comprendre pourquoi elle est représentée ainsi. Et puis qu’importe finalement ! Je préfère me laisser porter par l’inscription inscrite sur la voûte : “Par les prières de Ta mère, Seigneur, sauve-nous”.
Je termine la visite de cette chapelle dans une heureuse stupéfaction. Au-delà de la beauté du lieu et de la richesse de son art sacré, je ne peux me départir de cette agréable sensation de plénitude que j’ai ressentie.
Frédérique Défrade
Fait d’un seul bloc ce groupe de grandeur mi-naturelle est l’oeuvre de quelques sculpteur malhabile. Mais lors de la procession qui a lieu toutes les années lors du pèlerinage à Notre-Dame de Pitié, revêtue de son manteau de drap d’or, d’une large étole de velours violet garnit de bijoux offerts en ex -voto, la tête surmontée d’une couronne imposante, elle a vraiment fière allure.La statue avait été commandée à Lyon. Lorsqu’elle fut achevée, quelques hommes de Saint-Genest-Lerpt allèrent la chercher et la portèrent sur leurs épaules à l’aide d’un brancard construit en bois du pays.Pendant la Terreur, une brave femme, apprenant que des Révolutionnaires voulait détruire la statue, l’a fait apporter chez elle en secret et la cache dans sa demeure sous un tas de fagots.Le lendemain, furieux devant la disparition de la statue, les vandales perquisitionnèrent. Leurs soupçons se portent sur la brave femme. Ils rentrent chez elle. Elle ne se trouble pas. Elle paie d’audace : ” Vous voulez vous vous chauffer ? Et bien, prenez ; voilà du bois”. Et elle désigne le tas de fagots. La statuette est sauvée.Pour éviter un nouveau danger, on enveloppe la statue de couvertures et, à la nuit, on l’emporte secrètement du côté de Saint-Étienne. On la cache dans une excavation de carrière abandonnée. Après la Révolution, retrouvée intacte, elle fut installée dans sa chapelle.
Issu d’une famille ukrainienne, Nicolaï Greschny a été victime de persécutions anti-religieuses orchestrées par le régime communiste. La famille part en exil en Allemagne jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Nouvelle exil en Autriche puis à travers l’Europe : en Tchécoslovaquie, en Italie, au Danemark, en Norvège, en Angleterre, en Belgique et en France. En 1940, il est interné au camp d’Argelès d’où il s’évadera. Il se réfugie chez les Jésuites à Toulouse. Il survit en peignant dans les églises. Entre 1945 et 1965, il apeint près de 10 000 m2 de fresques, dans 25 départements différents. Il a doté la France d’un patrimoine de fresques byzantines uniques en Europe. C’est au début des années 70 que le père Montagny, curé de Saint-Genest lerpt, invite ce peintre d’icônes. Entre 1973 et 1974, Nicolaï fait deux séjours dans la commune avec son épouse et c’est à ce moment-là qu’il peint les fresques selon la technique “al fresco” qui avait disparue. Plus tard, il s’installera à la Maurinié (près d’Albi), où il a construit une basilique orthodoxe et il où est enterré depuis 1985. Son fils Mickaël, poursuit son oeuvre en enseignant l’art de la fresque et l’iconographie byzantine.