Intervention du P. Jean-Baptiste Chaussy, initiateur du projet de construction du calvaire près de l’église de ValbenoîteÂ
“À mon arrivée à Valbenoîte en 1996 , j’ai été frappé qu’il n’y ai pas une croix, à l’emplacement du cimetière des moines, place de l’abbaye. J’ai assez vite pensé à en élever une, même modeste. C’était la période où on commençait à réfléchir au nom à donner aux paroisses nouvelles, et après une consultation les chrétiens de la paroisse ont choisi Saint Benoît puisque des moines bénédictins avaient vécu dans cette abbaye de 1184 à 1791. C’était aussi la période où les chrétiens étaient profondément marqués par l’assassinat et le témoignage des moines de Tibhirine en Algérie. Un grand ami, Christian, à qui j’avais parlé de mon souhait d’une croix m’a simplement dit, on te la paiera ta croix. Il a rassemblé 22 donateurs, tous stéphanois, et ils ont offert ce beau calvaire réalisé par Albert Chanut, artiste-sculpteur stéphanois, qui a déjà réalisé à Centre 2 les sculptures de la place du Bicentenaire. Les donateurs ont tous voulu rester anonyme. Le calvaire a été béni et inauguré le 7 février 2003 par le père Pierre Joatton notre évèque, en présence de Michel Thiollier, sénateur-maire de Saint-Etienne. Ce calvaire plaisait particulièrement au père Joatton, parce que son anneau pastoral représentait Marie et Jean au pied de la croix. La coquille rappelle que Valbenoîte était une halte des pèlerins sur le chemin de Compostelle. Le plus beau merci aux donateurs est je crois la béatification des 7 moines le 8 décembre 2018 à Oran, avec les autres martyrs d’Algérie. Quelques années après cet évènement, la paroisse a organisé un dimanche, un pèlerinage à l’abbaye Notre Dame d’Aiguebelle où est édifié un mémorial des moines de Tibhirine. Merci à toi Jacques, d’avoir permis de célébrer le 25ème anniversaire du départ vers le ciel de ces sept moines trappistes.”
P. Jean-Baptiste Chaussy
Présentation des moines de Tibhirine par le P. Emmanuel de Marsac qui les a bien connus
“Vous avez vu, sans doute, pour la plupart d’entre vous, le beau film : « Des hommes et des dieux ». Malgré quelques petites erreurs historiques, ce film retransmet bien comment les moines de Tibhirine, dans la montagne de l’Atlas en Algérie, ont vécu la parole du Seigneur « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Nous savons, bien sûr, quelle fut la mort tragique des 7 moines enlevés par un groupe de musulmans fanatiques, dans la nuit du 26 au 27 mars 1996…et retrouvés, 2 mois plus tard, le 30 mai, morts, la tête coupée. Pour ne pas être trop long, je souligne simplement quelques caractéristiques qui marquaient, me semble-t-il, cette communauté :
D’abord une communauté très unie, mais avec des personnalités bien différentes, ce qui ne rendait pas la vie fraternelle toujours facile. Je ne peux pas évoquer chaque moine… alors, simplement quelques-uns :
Christophe le moine poète, de tempérament sensible, facilement coléreux….
Michel, c’est un silencieux…
Célestin, un grand bavard. Il aime le contact avec ceux et celles qui font de courts séjours à l’hôtellerie du monastère.
Christian, le prieur de la communauté, c’est le plus connu du monde chrétien notamment par ses écrits et sa réflexion théologique sur la rencontre entre chrétiens et musulmans. Nous entendrons dans quelques instants son testament
Mais le plus connu dans toute la région de Tibhirine, c’était le frère Luc, le médecin. Un homme rude mais tellement aimé de tous, au service de tous.
Une communauté unie qui travaillait les 7 hectares de terre cultivables du monastère et cela avec les paysans du voisinage. Ils allaient, comme eux, vendre leurs fruits et leurs légumes au marché de la ville voisine…et ils se partageaient le bénéfice de leur travail. La clôture monastique était respectée, mais pour accueillir ceux qui sonnaient à la porte du monastère, la porte était toujours grande ouverte. La cloche du monastère sonnait régulièrement les heures de prière pour les moines et comme, en écho, on entendait l’appel à la prière pour les musulmans.. Ainsi se vivait, sans discours, la vocation de ces moines : être une communauté de priants en communion de prière et d’amitié avec les musulmans.
Je ne peux pas terminer mon court témoignage sans rappeler que les 7 moines de Tibhirine font partie des 19 martyrs d’Algérie béatifiés le 8 décembre 2018 à Oran. Cette célébration fut vécue en solidarité profonde avec les milliers de musulmans algériens, victimes eux aussi, de fanatiques. Je termine par ces mots que le pape François a envoyés pour le jour de la béatification : « Cet événement dessinera un grand signe de fraternité à destination du monde entier ».
P. Emmanuel de Marsac