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ET - Espérance V1

Jubilé 2025 - Pèlerins d'Espérance

Lettre pastorale sur le sacrement de pénitence et de réconciliation

Publié le 8 avril 2025

MEA - Lettre pastorale

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Je me lèverai et j’irai vers mon Père
Lettre pastorale sur le sacrement
de pénitence et de réconciliation

Alors qu’il commence sa vie publique, Jésus proclame cette parole du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. (…) Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre.[1] » L’Année sainte 2025 nous offre un temps particulièrement favorable pour vivre une libération intérieure et un renouveau. Le Pape François nous rappelle que le sacrement de réconciliation est au cœur de la démarche jubilaire : « La confession représente une étape décisive, essentielle et indispensable sur le chemin de foi de chaque personne. C’est là que nous permettons au Seigneur de détruire nos péchés, de guérir nos cœurs, de nous élever et de nous étreindre, de nous faire connaître son visage tendre et compatissant. En effet, il n’y a pas de meilleure façon de connaître Dieu que de se laisser réconcilier par Lui, en savourant son pardon. Ne renonçons donc pas à la confession, mais redécouvrons la beauté du sacrement de la guérison et de la joie, la beauté du pardon des péchés ! [2] »

Dans cette lettre pastorale, je voudrais m’entretenir avec vous de ce sacrement. Il est certainement le plus complexe à célébrer, car il met en jeu notre cœur profond où se côtoient lumière et obscurité, où se joue le drame du péché et du salut. Sacrement de pénitence, il nous invite à être en vérité, à assumer nos péchés et leurs conséquences. Nous pouvons alors éprouver des sentiments de peur, de honte. La confession peut rappeler de mauvais souvenirs d’enfance, s’il fallait se confesser sans bien savoir quoi dire ou selon une liste de péchés dans laquelle on ne se retrouvait pas vraiment. Certains d’entre nous peuvent aussi ressentir une culpabilité si lourde qu’ils s’estiment indignes du pardon. D’autres encore restent marqués par des paroles blessantes ou des questions intrusives d’un confesseur. Cependant, beaucoup d’entre nous peuvent témoigner d’une expérience libératrice et lumineuse de ce sacrement. En effet, il est aussi sacrement de réconciliation où le pardon de Dieu nous relève et nous transforme. La confession est d’abord la confession de l’amour du Père et l’accueil de sa miséricorde.

Un père avait deux fils

Pour aborder ce sacrement, partons de la parabole du fils prodigue[3], ou plus exactement de la parabole du père miséricordieux. Elle commence ainsi : « Un père avait deux fils.[4] » Avant de nous intéresser aux fils, regardons ce père, qui est au cœur de la parabole. Un père c’est celui qui, avec la mère, donne la vie, dans une communion d’amour. Cela se prolonge dans l’éducation où les parents, dans la gratuité, donnent à leurs enfants ce dont ils ont besoin pour grandir, pour devenir adultes, pour devenir leurs égaux capables d’aimer et de se donner à leur tour.

Cette paternité et cette maternité humaines, lorsqu’elles sont vécues authentiquement, sont une image d’un mystère beaucoup plus grand encore, celui de la paternité divine. Le Père se donne à son Fils dans un jaillissement éternel de vie. Ce dernier reçoit de toute éternité l’amour du Père et le lui rend dans l’Esprit Saint qui procède, jaillit, de leur amour mutuel. Cette vie divine est plénitude, elle se suffit à elle-même, mais Dieu a voulu l’élargir, faire participer les anges et les hommes à cette communion d’amour. Au cœur de la création, Dieu fait l’homme et la femme à son image, capables d’aimer et de se donner comme lui. Dans ce débordement d’amour, chacun de nous est créé, unique, pour exprimer, à sa manière, quelque chose de cette beauté éternelle et infinie de Dieu.

Péché et salut

Cependant notre foi nous enseigne qu’aux origines, des anges ont refusé cet amour et sont devenus les démons. Ils ont alors entraîné l’humanité dans cette rupture. L’homme s’est éloigné de Dieu, de la source de l’amour et s’est fait complice du mal et de la mort. Nous expérimentons aujourd’hui encore combien, à cause du péché originel, les relations entre nous et avec la nature sont profondément blessées. Le péché est un défaut d’amour et de vie qui conduit à la tristesse et à la désespérance. Pour autant, le désir de plénitude d’amour et de communion reste ancré dans notre cœur comme une profonde nostalgie et un appel. Il y a donc en chacun de nous un combat spirituel. Saint Paul disait : « Je ne fais pas le bien que je voudrais mais je commets le mal que je ne voudrais pas.[5] » Nous sommes tiraillés intérieurement entre un profond désir de faire le bien et une grave attirance pour le mal, avec une vraie difficulté à l’identifier dans nos vies, à le combattre, la tentation nous le présentant comme un bien.

Dieu ne nous abandonne cependant pas à la misère. Il se choisit un peuple et, dans sa miséricorde, le Père envoie son Fils bien-aimé pour nous rendre notre dignité d’enfants de Dieu. « Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent[6] » dit Jésus. C’est la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ, que l’Église a pour mission d’accueillir, d’annoncer et de partager : « Là où le péché a abondé, la grâce de Dieu a surabondé ![7] » Jésus est venu restaurer cette communion des origines pour nous mener à la plénitude de son Royaume. Ce qui est premier, fondamental et ultime, c’est donc l’Amour.

Des fils éloignés de leur père

Revenons à la parabole du père miséricordieux. Elle présente un père avec ses deux fils. Aucun des deux ne vit une authentique communion d’amour avec son père.

« Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.[8] » Le cadet tue un peu son père en réclamant l’héritage. Ce dernier respecte son désir d’autonomie et accepte qu’il parte avec la moitié des richesses familiales.

« Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.[9] » Dans la misère, le fils cadet perd sa dignité. Il devient l’esclave d’un autre, qui n’a pas la générosité de son père. « Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.[10] » Quand on se coupe du Père éternel et de ceux qui nous sont proches, on se retrouve rapidement dans la solitude et le besoin. Le rêve d’une autonomie absolue est de courte durée, c’est une illusion.

L’aîné lui, est resté à la maison, mais il n’est pas vraiment proche de son père. Installé dans une attitude de soumission servile, il le réduit à n’être qu’un simple patron. Il se croit exemplaire et parfait, il pense qu’il vit pleinement en fils obéissant au père : « Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres.[11] » Cela peut s’entendre pour un ouvrier soumis, mais pas pour un fils. Le sérieux dans l’engagement et le travail ne suffisent pas, il faut l’élan du cœur qui donne une liberté filiale, joyeuse et créatrice, dans une communion d’amour, de projets et d’actions. Au retour de son jeune frère, l’aîné exprime sa colère intérieure. Elle manifeste un cœur fermé et jaloux. Depuis le péché originel, nous sommes tentés d’avoir un regard faussé sur le Père Éternel. On le soupçonne : M’aime-t-il vraiment ? Me veut-il du bien, alors que je traverse des difficultés, des épreuves, alors que je suis confronté à mes limites et à mes fragilités ? Puis-je lui faire une totale confiance ? Le soupçon met Dieu à distance, avec la tentation de prendre sa place, de se mettre au centre. Ce repli sur soi conduit rapidement à accuser Dieu et les autres, et à se retrouver de plus en plus seul.

Le départ du cadet, comme les reproches de l’aîné, ne sont pas des actes isolés ou superficiels, ils expriment des attitudes profondes. Nos péchés, fruits de notre cœur blessé et de notre liberté mal utilisée, s’agrègent en postures plus ou moins conscientes. Au niveau d’un groupe, on parle de « structures de péché », c’est-à-dire de fonctionnements installés et reconnus qui banalisent l’injustice et le mal, et qui gomment les responsabilités individuelles. Ce sont souvent les plus pauvres et les plus fragiles qui en subissent les conséquences. De même, au niveau personnel, nous avons des complicités profondes et installées avec le mal. Des fonctionnements complexes nous replient sur nous-même, nous rendent aveugles et insensibles ; ils nous empêchent d’accueillir et de donner. Aujourd’hui ce phénomène est amplifié par des repères moraux brouillés, par le règne de l’émotion sur la scène médiatique et plus encore sur les réseaux sociaux. Chacun est alors tenté de fabriquer « sa » vérité, selon ce qui l’arrange. Cette absence de normes objectives et ces conditionnements peuvent bien réduire la responsabilité, mais le péché n’en est pas moins destructeur pour nous, pour nos proches, et même pour toute la création.

Céder au péché contribue à obscurcir notre capacité à distinguer le bien et le mal. Cela enfouit nos désirs les plus beaux. Nous pouvons en venir alors à nous justifier, soit en contestant l’évidence, « ce n’est pas vrai, ce n’est pas moi », soit en refusant la responsabilité, « je ne savais pas, je n’ai pas fait exprès », soit en invoquant des faiblesses psychologiques, « je n’y peux rien, c’est plus fort que moi ». Sommes-nous alors encore libres, responsables de nos actes, acteurs de nos vies ?

La crise des violences sexuelles et la prise en compte des graves blessures qu’elles entraînent chez les personnes victimes, nous a donné une nouvelle conscience du péché et de ses conséquences. Notre foi en la miséricorde divine ne nous dispense pas de regarder le mal en face et de l’affronter. De plus, le péché ne se limite pas aux actes inqualifiables de quelques-uns. Dans l’Évangile, Jésus est particulièrement clair sur les exigences de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. En l’accueillant, nous découvrons que nous sommes tous de vrais pécheurs, que notre péché n’est pas secondaire ou négligeable. Notre compromission avec le mal est le plus grand drame de notre vie et elle engage notre éternité.

Il rentra en lui-même

« Alors le fils cadet rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.[12] » Ses yeux s’ouvrent un peu, il regarde sa vie et découvre sa déchéance, sa misère, le décalage entre l’idée qu’il se faisait de son autonomie et la réalité. Il voit sa souffrance : « Je meurs de faim.[13] » Ses motivations ne sont pas toutes pures, mais c’est une première étape. Il regrette son geste, il a la nostalgie de la communion familiale et il décide de revenir vers son père. Il dépasse la honte et la peur ; il cherche un compromis : « Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.[14] » Le fils n’a pas encore compris l’amour inconditionnel de son père ; il ne le croit pas capable de lui pardonner totalement. Il renonce à sa dignité de fils pour se situer comme un simple ouvrier ; lui aussi voit son père comme un patron.

Le point de départ du sacrement de réconciliation est cette prise de conscience d’une déchéance, d’un décalage entre ce que l’on porte de plus beau et ce que l’on réalise au quotidien. Que suis-je devenu ? Cela commence par le regret, d’une part parce que le péché conduit au vide et à la tristesse, et d’autre part parce qu’on se sent humilié de cette déchéance, de la mauvaise image que l’on renvoie, à soi comme aux autres.

Il se leva et s’en alla vers son père

Il ne suffit pas de s’apitoyer sur son sort, encore faut-il se lever, se mettre en route. Le sacrement de la réconciliation est ce moment où nous nous levons pour nous tourner vers le Père. Nous savons que, si nous nous coupons de Dieu, lui ne cesse jamais de nous donner sa vie, de nous aimer, de nous éclairer, de nous attirer à lui. Il respecte notre liberté mais il la sollicite, car il sait que notre séparation n’est pas inéluctable sur cette terre. Il nous envoie son Esprit pour éclairer notre vie et nous aider à la réorienter. Il nous attend activement !

Au-delà des erreurs et des fautes que nous pouvons commettre et regretter, le sacrement de réconciliation nous inscrit dans une relation personnelle avec Dieu. Il nous aide à découvrir son projet d’amour pour chacun de nous. L’Évangile n’est pas un idéal inatteignable qui nous conduirait à une culpabilité récurrente mais un chemin de vie que Dieu ouvre devant nous et qui demande l’engagement de notre liberté. Est-ce que je crois que je peux changer, devenir meilleur, dépasser mes travers, m’ouvrir davantage aux autres, dans la confiance, pour découvrir leurs attentes et y répondre d’une manière plus juste ? Est-ce que je le veux ? Est-ce que je désire me rapprocher du Père, ressembler davantage au Fils, vivre dans l’Esprit ?

Son père courut se jeter à son cou

« Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.[15] » Le fils n’avait pas imaginé que son père était là, à l’attendre, compatissant à sa souffrance, avec pour unique désir de lui redonner sa dignité. Le croyant dans la colère, il avait réfléchi au moyen de l’attendrir : « Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.[16] » La première parole du fils prodigue est une parole de vérité. Il est rongé par la honte, cette honte que nous pouvons nous aussi ressentir au moment de la confession, lorsqu’il nous faut exprimer notre péché. Le Pape François nous dit que « la honte est un sentiment intime qui touche les entrailles, mais qui a un sens : elle nous ouvre à l’humilité, à la miséricorde, et elle nous pousse à demander pardon.[17] » Cependant, le regret et la honte sont aussi liés à notre orgueil, à la déception de ne pas être aussi bien que nous le souhaiterions. Avec le sacrement de réconciliation, ils se transforment en contrition, en repentir : la rencontre avec le Père conduit à une douleur sincère du péché et à son rejet, à la ferme résolution de réformer sa vie pour vivre davantage selon l’Évangile, avec la grâce de Dieu.

Il nous faut donc croire à cet amour inconditionnel du Père qui nous précède, qui nous attend, qui nous ouvre ses bras avant même que nous lui ayons exprimé notre regret, notre désir d’une vie meilleure. « La confession est le sacrement qui nous relève, qui ne nous laisse pas par terre, à pleurer sur le sol dur de nos chutes. Elle est le sacrement de la résurrection, elle est pure miséricorde[18] » dit le Pape François. Elle est une rencontre personnelle et unique, ce moment de vérité et surtout ce moment où l’on se laisse saisir par le Père. On découvre alors son vrai visage.

Vite apportez le plus beau vêtement !

« Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds.[19] » Le pardon du Père, signifié par l’absolution, n’est donc pas un rapide coup d’éponge sur le passé, ni un voile jeté sur le mal commis que l’on tenterait d’oublier et de faire oublier à Dieu. Il est une rencontre, le moment où le cœur du pénitent s’ouvre pour accueillir l’amour divin qui le renouvelle. Cet amour nous transforme pour que nous soyons davantage « fils », par-delà nos peurs, par-delà notre orgueil, par-delà notre égoïsme, par-delà nos aveuglements et nos mensonges. L’absolution est ce moment où le Père nous serre dans ses bras et nous console en disant : « Tu es mon enfant, deviens-le davantage. Tu n’as pas encore tout compris, laisse-toi aimer, accueille et donne ».

Il était mort, il est revenu à la vie

Le pardon des péchés est donné de bien des manières, car tout contact avec le Christ, dans la foi, est source de pardon. Ce pardon nous est donné au plus haut point dans l’Eucharistie, où le Christ verse son sang pour la rémission des péchés. La messe commence d’ailleurs par une absolution : « Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde, qu’il nous pardonne nos péchés et nous conduise à la vie éternelle. » Avant de communier, nous reprenons ces paroles : « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri. » De même, si dans la prière nous demandons pardon au Seigneur, il ne manquera pas de nous le donner. Saint Paul affirme aussi que « la miséricorde couvre une multitude de péchés[20] », comme les aumônes. Alors pourquoi avons-nous besoin du sacrement de pénitence et de réconciliation ?

La grâce de ce sacrement est une grâce de libération et de conversion, de renouvellement intérieur. Elle offre d’abord une lumière pour découvrir l’amour de Dieu, ses appels, et nos réponses qui peuvent être belles et généreuses, mais qui sont aussi marquées par le péché. Au-delà de la honte ou d’une culpabilité paralysante, il s’agit de descendre dans notre cœur profond, là où se joue le combat entre le bien et le mal, l’accueil et le refus de Dieu et des autres, et même nos compromissions avec les puissances du Mal. C’est dans ce cœur profond que nous accueillons l’amour de Dieu et des autres, que nous nous donnons en vérité.

La conversion se réalise pas à pas. Nous pouvons faire évoluer nos comportements, nos manières d’être et d’agir, en discernant quel pas nous avons à faire, quel engagement nous avons à prendre. La confession est par excellence le sacrement de la joie et de l’espérance, celui qui nous ouvre un chemin nouveau et qui nous permet de progresser dans notre relation à Dieu et aux autres. Il nous redonne l’élan intérieur pour aimer d’un amour de charité toujours plus beau, toujours plus pur.

Les célébrations communautaires du pardon ou les chemins de pardon sont précieux pour nous tourner ensemble vers le Père et nous préparer à la confession, pour former notre conscience, nous reconnaître pécheurs, accueillir la miséricorde et rendre grâce d’un seul cœur. Nous avons besoin de nous entraider pour découvrir l’ambition de Dieu pour nous et son amour qui nous relève. Des temps de relecture de vie en équipe de mouvement, ou des partages d’Évangile en fraternité, contribuent aussi à ce travail intérieur.

Bien comprendre et bien préparer le sacrement de pénitence et de réconciliation permet de bien le vivre. Il peut devenir alors un lieu décisif de vérité avec soi-même et devant Dieu, de libération et de réconciliation, de consolation et de grande joie, pour un nouveau départ.

Toi mon enfant

C’est par la rencontre personnelle avec son père que le fils cadet a pris conscience de son péché. Peut-être qu’il en a été de même pour l’aîné. Pour nous aussi, c’est en nous approchant de Dieu, en demandant sa lumière, que nous pourrons découvrir notre péché, les appels de l’Évangile à aimer davantage et mieux. L’amour, et le refus de l’amour qu’est le péché, l’expérience de la miséricorde, comportent une dimension intime qui ne pourra jamais être abordée de manière collective. Pour voir plus clair dans ma propre vie et progresser dans l’amour de Dieu et des autres, il est précieux de pouvoir exprimer à un frère ce que je porte, le mal qui m’abîme, et d’entendre de sa bouche le pardon de Dieu qui me redonne ma dignité et m’ouvre un chemin de conversion. Dans la confession, le prêtre accomplit un ministère de consolation. C’est pourquoi je crois qu’il nous faut renoncer aux absolutions collectives qui ne permettent pas de vivre une telle expérience. Le droit de l’Église souligne que « l’absolution ne peut être donnée en mode collectif sans confession individuelle préalable, sauf danger de mort ou autre nécessité grave, déterminée par l’évêque diocésain.[21] » Il me semble que nous ne sommes pas aujourd’hui dans cette nécessité. De plus, cet accompagnement personnel est une dimension du ministère du prêtre dont notre monde a particulièrement besoin aujourd’hui. Saint Paul s’exclame : Dieu « nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. (…) Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu.[22] » Nous avons un chemin à parcourir pour toujours mieux vivre et déployer la grâce du sacrement de pénitence et de réconciliation dans nos communautés. Dans leurs lettres de demande de confirmation, des jeunes disent combien ce sacrement a été pour eux source d’une vraie libération. Des adultes aussi célèbrent fidèlement ce sacrement et y puisent une grâce précieuse pour renouveler et approfondir leur vie à la suite du Christ, dans son Esprit.

Le prêtre, serviteur et témoin du pardon de Dieu

« Tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié dans le ciel, tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel.[23] » Le Christ a confié à ses apôtres cette mission de nous délier du péché, de tout ce qui nous sépare de Dieu et des autres, pour nous lier au Père, pour l’éternité. Le sacrement du pardon se vit dans un dialogue, dans un échange, dans une rencontre avec un prêtre. Le Pape François fait remarquer : « Parfois, il m’arrive d’entendre quelqu’un qui soutient se confesser directement auprès de Dieu… Oui, Dieu t’écoute toujours, mais dans le sacrement de la Réconciliation il envoie un frère t’apporter le pardon, l’assurance du pardon, au nom de l’Église.[24] »

Ce ministère de la confession est bien délicat pour le prêtre ; étant lui-même un pécheur engagé dans son propre chemin de conversion, il se sent toujours petit quand une personne lui partage des questions personnelles et douloureuses. Cependant, quand il nous accueille avec bienveillance comme le père de la parabole, quand il écoute attentivement ce que nous lui partageons, dans une absolue discrétion, quand il nous aide à discerner les conversions à mettre en œuvre et quand il nous donne l’absolution, le prêtre est au cœur de sa mission de serviteur et de témoin de la miséricorde de Dieu. Il est bien souvent émerveillé de voir combien les cœurs peuvent être ouverts à la grâce. Et si la célébration du sacrement de réconciliation n’est pas encore possible, une bénédiction l’est toujours, après un dialogue de vérité et de salut, pour poursuivre le chemin, dans l’espérance.

Mangeons et festoyons

« Allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.[25] » Le père organise une fête pour le retour du fils prodigue. La joie du pardon n’est pas seulement pour celui qui le donne et celui qui le reçoit, elle est pour toute la communauté. L’aîné est invité à se réjouir du retour de son frère, comme le cadet pourrait se réjouir si son frère rejoignait la fête ! D’une certaine manière, tout pécheur qui reçoit le pardon de Dieu se trouve comme réintroduit dans la communauté. Nous expérimentons combien les personnes qui se convertissent de manière un peu radicale nous aident à mieux prendre conscience de cet amour incroyable offert en Jésus-Christ, nous qui risquons toujours de nous y habituer. « Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ![26] »

Entre l’aîné qui n’ose pas utiliser les biens de son père et le cadet qui en fait un mauvais usage et les dilapide, on peut imaginer un troisième fils conduisant ses deux frères vers le père et les réconciliant. Ce troisième fils, c’est Jésus, le Fils éternel. Il vit en plénitude l’amour divin et il vient nous l’annoncer, nous l’offrir en abondance pour que nous puissions le partager. Jésus envoie son Esprit au plus profond de nos cœurs pour nous éclairer, nous renouveler, mais aussi pour nous réconcilier les uns avec les autres. Si le péché a une dimension communautaire, parce que mon péché, même caché, blesse les autres, le pardon l’a encore davantage, d’une part parce que nous sommes tous pécheurs et que nous avons à nous soutenir mutuellement sur le chemin de la conversion, et d’autre part parce qu’il conduit à la réconciliation, à une nouvelle unité.

Après la fête…

On pourrait imaginer qu’après la fête, le fils cadet ait voulu réparer le mal qu’il avait commis contre son père et tous les siens. On pourrait aussi imaginer que le fils aîné ait cherché à construire une nouvelle relation avec son père et son frère. Dans cet esprit, après l’absolution, dans la joie du pardon, nous avons à vivre la « pénitence ». Il ne s’agit pas de s’accabler ni de retomber dans la tristesse, mais au contraire de mettre en œuvre les grâces du pardon reçu, de faire un pas de plus sur le chemin de la conversion. On ne repart pas comme avant, parce que les biens gaspillés sont perdus à jamais et parce qu’on a découvert un amour qui nous transforme. Le pardon reçu nous conduit à regarder ce qui peut être réparé après le mal commis : un pardon à demander, une injustice à réparer, des comportements à faire évoluer… C’est ainsi que nous prolongeons la joie de la fête. Si la prise de conscience peut être radicale, la transformation de nos vies, de nos habitudes, de nos manières d’être et de penser, demande de l’engagement, du temps et de la patience.

Si Dieu nous pardonne, ne devons-nous pas pardonner à notre tour ? N’est-ce pas l’invitation qui nous est adressée dans le « Notre Père » ? N’est-ce pas d’ailleurs la phrase la plus exigeante de cette prière ? « Ce sacrement fait passer de la misère à la miséricorde [27] » dit le Pape François, celle qui est reçue et celle qui est donnée. Si Dieu, lui, nous pardonne immédiatement, le chemin peut être beaucoup plus long entre nous. Dans certaines situations, si nous avons été gravement blessés, il nous faut accepter dans un premier temps d’avoir seulement le désir du pardon, sans pouvoir encore vraiment le donner. Il est alors nécessaire de demander à Dieu la grâce de pouvoir pardonner, d’être libéré de la colère intérieure liée au mal subi.

Réconciliés, nous pouvons dire ensemble « Notre Père », c’est-à-dire reconnaître Dieu comme la source de la vie pour chacun d’entre nous. Nous sommes alors ensemble vraiment ses enfants, donc frères et sœurs les uns des autres. Nous entendons le Père dire à chacun : « Tout ce qui est à moi est à toi[28] », comme dans la première communauté où « Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun.[29] »

Un chemin qui se poursuit

Ce sacrement de réconciliation ne nous rend cependant pas parfaits, comme si nous pouvions aussitôt vivre pleinement l’Évangile. Notre condition sur cette terre est de vivre en pécheurs pardonnés. L’objectif n’est donc pas une perfection définitive et orgueilleuse ; ce serait l’illusion de nous croire justes, comme les pires pharisiens. Jésus nous propose plutôt la sainteté, c’est-à-dire d’accueillir son Esprit pour aimer à sa manière, « de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force[30] », mais aussi avec nos limites et nos faiblesses, en avançant de pardons en pardons. La perfection, ce sera dans le Royaume, après avoir progressé ici-bas, avec tout ce qui fait notre vie, les joies comme les épreuves, et après la purification dans l’au-delà.

Que cette Année sainte nous donne donc la joie de vivre, de découvrir ou de redécouvrir ce sacrement de la tendresse personnelle de Dieu pour chacun d’entre nous, afin d’avancer sur notre chemin de conversion, de renouveau intérieur ! Vivre dans la communion avec le Père, en aimant nos frères et sœurs comme le Fils, et animés par l’Esprit, n’est-ce pas la source de la paix et de la joie définitives ? N’est-ce pas la Bonne Nouvelle que nous avons à partager avec tous ?

Saint-Étienne, le 13 avril
en la fête de Rameaux
de l’Année sainte 2025

+ Sylvain Bataille,
évêque de Saint-Étienne

 

Notes

[1] Lc 4, 18-21

[2] Pape François, Bulle d’indiction du Jubilé de l’Année sainte 2025, n° 23

[3] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 11-32

[4] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 11

[5] Ro 7, 19

[6] Lc 5, 32

[7] Rm 5, 20

[8] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 12

[9] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 13-15

[10] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 16

[11] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 29

[12] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 17-19

[13] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 17

[14] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 19

[15] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 20

[16] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 21

[17] Pape François, Discours aux participants à un cours sur le for interne, 12 mars 2021

[18] Pape François, Homélie du 11 avril 2021 à Rome

[19] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 22

[20] 1 Pi 4, 8

[21] Droit canonique n° 961

[22] 2 Co 5, 18-20

[23] Mt 18, 18

[24] Pape François, Audience générale du 20 novembre 2013

[25] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 23-24

[26] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 32

[27] Pape François, Homélie du 29 mars 2019 à Rome

[28] Parabole du père miséricordieux, Lc 15, 31

[29] Ac 2, 44

[30] Mc 12, 30

 

 

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18/04/2025
Quête pour les lieux saints
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