Message de Mgr Sylvain Bataille
En cette année de la prière, l’occasion nous est donnée de nous interroger sur sa place dans notre vie, sur notre rapport à Dieu, et peut-être tout spécialement en ce début d’année pastorale. « Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de persévérer dans la prière, sans se décourager » (Luc 18, 1-8). Nous connaissons l’histoire de cette veuve qui finit par obtenir justice à force de réclamer. Et Jésus de conclure : « Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? (…) Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » La trouvera-t-il en moi ? Suis-je de ceux qui comptent vraiment sur lui ?
En Jésus, Dieu vient à notre rencontre. Il s’est fait notre égal, proche et accessible. Jésus nous conduit à son Père, « Que nul n’a jamais vu », et nous donne son Esprit, tout son amour. Quand les Apôtres lui demandent : « Seigneur, apprends-nous à prier », il leur donne le « Notre Père ». Jésus nous dit ainsi l’essentiel de la prière. Il nous invite d’abord à nous mettre sous le regard de Dieu, en l’appelant « Notre Père ». Reconnaître Dieu comme Père, c’est reconnaître que nous tenons de lui la vie, la croissance et l’être. Il est « notre » Père, non pas parce qu’il nous appartiendrait, mais parce que nous sommes « ses enfants » et que nous voulons lui appartenir. Ce Père éternel, tellement autre que nos parents de ce monde, est comme « ailleurs » et en même temps si proche, si attentif à chacun. Il est « aux cieux », non pas parmi les astres, mais au-delà de tout, et personne ne peut mettre la main sur lui. Il est dans la « gloire ». Dieu, dans sa majesté, nous dépasse infiniment et nous avons d’abord à l’adorer avec humilité ; c’est ainsi que nous pouvons accueillir tout son amour.
On comprend alors que notre première demande soit : « Que ton nom soit sanctifié », c’est-à-dire que ta sainteté et ta grandeur soient reconnues. La prière ne peut pas consister à faire rentrer Dieu dans nos projets, à le mettre au service de nos envies du moment, à lui suggérer de bonnes idées qu’il n’aurait pas trouvées tout seul. Nous savons qu’il est le créateur du ciel et de la terre. Il est celui qui mène l’histoire à son accomplissement, dans son Royaume. C’est l’œuvre de la Providence, qui se réalise aujourd’hui dans notre monde, dans notre Église, dans chacune de nos vies, par-delà ce que nous en percevons et comprenons, par-delà aussi toutes nos compromissions avec le mal. Prier, c’est donc demander que son « règne vienne » et, très concrètement, désirer que sa « volonté soit faite, sur la terre comme au ciel » dans chacune de nos vies. Avons-nous foi en ce Dieu tout-puissant, tout autre, et cependant tout proche ? Avons-nous le désir de nous remettre entre ses mains, dans un abandon confiant ? Désirons-nous collaborer à son œuvre de salut, avec nos talents et nos limites ? Croyons-nous qu’il sait mieux que nous ce qui est bon et profitable pour chacun ?
Une fois positionnés de manière juste face à Dieu, et donc dans notre relation avec lui, nous pouvons lui adresser des demandes plus précises : « Donne-nous le pain dont nous avons besoin », à la fois pour notre corps et pour notre âme. Face à la gravité du mal, pour dépasser le péché, nous demandons la grâce du pardon à accueillir et à donner. Nous avons aussi besoin de résister aux tentations qui font passer un mal pour un bien. Enfin, nous lui demandons : « Délivre-nous du mal », de tout mal et du Malin, c’est-à-dire de tout ce qui nous éloigne de son amour.
Une juste prière n’est-elle pas la porte d’entrée pour accomplir son œuvre ? Bien souvent nous nous épuisons, dans notre vie personnelle comme dans notre Église, car nous ne comptons que sur nos seules forces, comme si nous pouvions réaliser son Royaume d’amour et de paix par nous-même. Dans la prière, « Cherchons d’abord le Royaume et sa justice, et tout le reste nous sera donné par surcroît. » (Mt 6, 33)
+ Sylvain Bataille, évêque de Saint-Étienne