Vive les charismes!
Le message de Mgr Sylvain Bataille
« Les dons de la grâce (charisma dans le grec) sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. » (1 Co 12, 4-7) Dieu, en nous donnant sa lumière, sa paix, son amour, son pardon, nous donne en même temps la capacité de nous mettre au service des autres. Il nous rend capables d’aimer en vérité, comme lui, de nous donner, chacun à sa manière. L’Esprit Saint est répandu en nos cœurs pour qu’avec le même amour nous puissions aimer Dieu et notre prochain.
Ces dons que Dieu nous fait pour les autres, pour la mission de l’Église, on les appelle des charismes. Certains d’entre eux s’appuient sur des qualités naturelles à qui ils donnent une autre dimension, d’autres sont plus spécifiquement spirituels. Ils sont très divers et complémentaires, personne ne les possède tous, certains sont plus cachés, d’autres plus visibles, qu’importe ! Chacun d’entre nous en a, mais sans forcément le savoir. Certains ont un charisme de service, dans une attention toute particulière aux plus fragiles, d’autres ont un charisme d’écoute, d’encouragement, d’autres encore ont un charisme pour annoncer l’Évangile avec des mots simples et justes qui touchent les cœurs, d’autres ont un charisme pour servir la communion, pour rayonner la paix et la joie, d’autres ont celui de guider les autres, d’entraîner, d’autres encore peuvent avoir un charisme particulier de prière, de louange, d’intercession, sans parler de tous les charismes plus exceptionnels.
Depuis la Pentecôte, cette grande variété de dons que Dieu nous offre pour l’édification du Corps du Christ fait la richesse et le dynamisme de l’Église. Il y a les charismes liés au sacrement de l’ordre, mais aussi les charismes liés à la vie religieuse et associative dans l’Église ainsi que les charismes de chacun des baptisés. Cette diversité est féconde dans la mesure où elle est vécue dans une authentique vie fraternelle. N’est-ce pas là toute la logique de la synodalité : avancer ensemble sur le même chemin, avec nos dons et grâces complémentaires, pour une nouvelle évangélisation de notre monde ?
Les charismes évoluent au fil de notre vie. Nous pouvons les recevoir pour un temps, puis vient ensuite le moment d’y renoncer pour en accueillir d’autres, dans la disponibilité à ce que Dieu veut nous donner aujourd’hui. Sans cette liberté intérieure, ils peuvent facilement « virer » au pouvoir personnel, à la domination, à l’accaparement, à l’enfermement dans ses pratiques et habitudes. Ils se sclérosent. Un charisme, même authentique et reconnu, ne met pas à l’abri des déviances. Le Démon a l’art de pervertir le meilleur ! L’exercice des charismes demande donc beaucoup de prudence, de discernement, d’humilité pour se remettre en cause et se laisser éclairer par les autres. Pour porter ses fruits, et parce qu’il n’est pas le tout de notre vie, le charisme doit aussi s’inscrire dans une vie de prière, à l’écoute de la Parole, appuyé sur la grâce des sacrements et une vie de charité plus large. Nous avons d’abord à accomplir notre devoir d’état, c’est-à-dire être fidèles à nos engagements fondamentaux (familiaux, vocationnels, professionnels, spirituels, caritatifs…), avec les activités qui nous plaisent et d’autres qui nous pèsent davantage. Cette humble fidélité nous protège de la tentation de n’accomplir que ce qui nous est facile et gratifiant, en risquant de passer à côté de l’essentiel.
Le Pape François, dans la lettre qu’il a adressée aux curés le 2 mai dernier, les invite à « découvrir, encourager et valoriser dans la foi les charismes des laïcs sous toutes leurs formes, des plus modestes aux plus éminents. » Il poursuit : « Je suis convaincu que de cette façon vous ferez ressortir les nombreux trésors cachés et que vous vous trouverez moins seuls dans la grande tâche d’évangéliser, en faisant l’expérience de la joie d’une paternité authentique qui ne domine pas mais qui fait ressortir chez les autres hommes et femmes beaucoup de potentialités précieuses. » Oui, nous avons tous des charismes à faire fructifier pour les autres ! Quels sont les charismes que Dieu me donne aujourd’hui ? Nous sommes aussi responsables des charismes des autres. Savons-nous nous réjouir de leurs charismes ? Les voyons-nous comme une grâce pour l’Église et pour nous ou sommes-nous au contraire tentés par la critique face à l’incompréhension, l’envie et la jalousie… ? Comment aidons-nous nos frères et sœurs à découvrir leurs charismes ? Osons-nous les leur dire ? Ne serait-ce pas une belle activité en ce temps de Pentecôte ?
Seigneur, répands en abondance ton Esprit de Pentecôte et ses multiples charismes dans ton Église et donne-nous de savoir les faire fructifier selon sa volonté, pour ta gloire et le salut du monde.
+ Sylvain Bataille, évêque de Saint-Étienne