Aux députés et aux sénateurs
de la Loire
Saint-Etienne, le 22 juillet 2020
Chère Madame, cher Monsieur,
Permettez-moi de vous partager ma sidération à la lecture de la dernière mouture du projet de loi de bioéthique. Vous trouverez ci-joint une note de la Conférence des Évêques de France qui n’est pas une expression religieuse mais une réflexion de bon sens devant la gravité des projets annoncés.
Comment peut-on valider la « méthode ROPA », par laquelle une femme donne un de ses ovocytes qui, une fois fécondé par un spermatozoïde, est réimplanté dans l’utérus de sa compagne afin qu’elles soient toutes les deux « mères », gommant ainsi totalement l’existence du père ? La Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU, ratifiée par la France, stipule que tout enfant a « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux » (art 7-1).
A l’époque où l’on perçoit davantage les enjeux écologiques, comment peut-on autoriser la modification génétique des embryons humains, ouvrant ainsi la porte à la naissance d’enfants transgéniques ?
De même, comment peut-on permettre la fabrication d’embryons chimères homme-animal, par insertion de cellules-souches humaines dans des embryons d’animaux ?
Enfin, comment peut-on valider le principe du « bébé médicament », embryon créé en vue d’utiliser ses cellules pour soigner un frère ou une sœur ?
La liste des aberrations est encore longue… Certains parmi vous en sont bien conscients, et je les remercie de leurs réactions, parfois très courageuses. J’ose croire à un sursaut de conscience de la part de tous, face à la pression de lobbies ultra-minoritaires et d’intérêts économiques. Alors que nous voyons aujourd’hui beaucoup plus clairement les conséquences dramatiques pour notre planète et pour notre humanité d’un capitalisme débridé, comment peut-on envisager de telles dérives, plus graves encore, puisqu’elles touchent aux fondements même de notre humanité ? La capacité à se donner des limites étant un élément essentiel de la réflexion écologique, comment peut-on proposer un texte qui les fasse presque toutes sauter, sur un sujet aussi sensible ? Les lois de la société ne sont-elles pas faites pour donner à l’homme des garde-fous, pour protéger les plus faibles contre les désirs démesurés de quelques-uns ou les appétits financiers de quelques autres ? Un jour, les yeux s’ouvriront sur ce « progrès » technique qui est en fait un déni d’humanité. Nous aurons des comptes à rendre à la prochaine génération, dont les réactions seront sans concession. Il est donc de notre devoir d’alerter l’opinion publique anesthésiée. Ce projet de loi « bioéthique » n’est ni « bio », car il ne respecte pas la vie, ni « éthique », car il ne protège pas le plus fragile.
Enfin, comment se fait-il que des questions aussi fondamentales puissent être ainsi traitées en plein cœur de l’été, de manière camouflée, au milieu d’une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent ? Pourquoi le Premier Ministre a-t-il omis d’évoquer ce sujet dans son discours de politique générale alors qu’on le présente comme une urgence au point de prolonger la session parlementaire ? Est-ce vraiment la nécessité du moment ? Un sondage IFOP réalisé entre le 12 et le 15 juin 2020 révèle que 71 % des Français pensent que ce projet de loi devrait être suspendu ou retiré, contre 1 % qui le voit comme prioritaire.
En espérant de tout cœur qu’un réveil des consciences permettra d’éviter l’adoption d’une loi inhumaine, je vous adresse, chère Madame, cher Monsieur, mes salutations respectueuses et cordiales.
+ Sylvain Bataille
Évêque de Saint-Etienne
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