Qui est fidèle à Jésus ?
Le message de Mgr Bataille
Qui est vraiment fidèle à Jésus et à l’Évangile ? Ceux qui concentrent leurs efforts sur le respect de la vie et des lois morales ? Ceux qui estiment qu’il faut surtout être accueillant à toutes les situations ? Ceux qui vivent une vraie solidarité avec les migrants et les plus pauvres ? Ceux qui prient fidèlement et adorent l’Eucharistie ? Qui peut en juger ? N’ont-ils pas tous perçu quelque chose d’important ? Chacun a sa porte d’entrée dans l’Évangile, en résonance avec les questions auxquelles il est particulièrement sensible. C’est heureux et légitime. Nous devons cependant veiller à prendre l’Évangile dans son intégralité. La diversité des points de vue de nos frères et sœurs nous y aide, si nous savons les accueillir. La grande tentation est celle de l’exclusion, quand on a la certitude d’être dans le vrai, de connaître la pensée de Dieu et d’interpréter définitivement l’Évangile. Le débat est alors perçu comme un compromis avec le mal et on en est réduit à disqualifier son adversaire. Dans la Bible, Satan est d’ailleurs nommé l’Accusateur !
Est-ce qu’alors toutes les opinions se valent ? Non, il y a du vrai et du faux, du bien et du mal. On reproche à l’Église d’avoir des dogmes, mais ils ne font que traduire autant que possible ce que Dieu, dans la Bible, révèle de son mystère. On reproche aussi à l’Église d’avoir des règles morales. Le Christ nous dit qu’il n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir et il ne craint pas de détailler le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain. L’Église accueille ses paroles et cherche à les appliquer aux situations de ce monde, avec amour et vérité, justice et paix, dans la miséricorde. Ce sera toujours un exercice très difficile, d’autant plus que personne n’est pur au point de pouvoir faire la leçon aux autres. Cependant nous ne pouvons pas nous taire sous prétexte que ces paroles du Christ ne sont pas au goût du jour, qu’elles dérangent et nous remettent en cause, que nous ne les vivons pas assez.
Il est tentant de rêver d’une Église où l’on ne parle que d’amour et jamais de péché. Comment pourrait-elle alors être fidèle au Christ qui a souffert la Passion pour nous sauver du péché ? S’il n’y a plus de péché, il n’y a plus besoin de Sauveur et l’Évangile n’est alors qu’un texte inspirant parmi bien d’autres. Il y a des époques où l’on a trop mis l’accent sur le péché, ce qui a pu conduire à de fausses culpabilités, à des scrupules, jusqu’à perdre le sens de l’amour de Dieu et de sa miséricorde. Il n’est cependant pas mieux d’en gommer la gravité. Notre liberté est quelque chose de sérieux, nos actes nous engagent, ils engagent les autres, ils ont un poids d’éternité. Non, nous ne pouvons pas dire avec légèreté que « nous irons tous au paradis ». En tout cas ce n’est pas ce que dit Jésus. Il condamne sévèrement celui qui néglige son frère affamé, démuni, malade, en prison, étranger (donc migrant), mais aussi celui qui ne respecte pas la vie, qui commet l’adultère, qui scandalise les petits enfants et même manque de pureté… « Mais alors, qui peut être sauvé ? Pour l’homme c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. »
Dieu ne bénit pas le péché qu’il déteste mais il bénit le pécheur qu’il aime, afin qu’il se convertisse et qu’il vive. Si on perd le sens du péché, on perd le sens de la miséricorde. Elle n’est pas le coup d’éponge final qui permet de faire n’importe quoi dans sa vie, mais un cadeau de Dieu pour le pécheur qui veut se convertir afin de vivre selon l’Évangile. Elle l’aide à se dégager progressivement du péché.
Qui donc est vraiment fidèle à Jésus ? Personne ! Il nous demande simplement d’être dans une dynamique de conversion permanente et d’humilité devant Dieu et devant les autres. Que le Seigneur nous donne d’avoir une juste exigence et une vraie miséricorde avec les autres comme avec nous-mêmes.
+ Sylvain Bataille, évêque de Saint-Étienne